Friday 5 February 2016

La visite du pape François en Afrique, retour sur certains de ses messages.



Elu en 2013, et après quelques visites dans certains  continents, le pape François est venu en Afrique pour sa première fois. Trois Pays Africains ont eu cette chance de l’accueillir au nom de toute l 'Afrique, respectivement le Kenya, l’Ouganda, et la République Centre-Africaine. Comme fils d’Afrique et toujours fier de l’être, j’ai eu la chance d’être présent dans l’un des trois Pays a son arrivée. Ce Pays dans lequel le Successeur de Pierre m’a trouvé est bien la terre des premiers Martyrs Chrétiens d’Afrique, donc l’Ouganda. J’ai personnellement trouvé cette visite très importante me basant sur les messages que le pape  a adressés à ces trois Pays et à toute l’Afrique. C’est ainsi que j’ai voulu partagé une réflexion personnelle sur cette visite. Je partage cette réflexion avec vous dans le but de vous inviter, où que vous soyez, à considérer les messages du pape afin d’agir en faveur et pour le bien du peuple africain jusque-là confronté à des multiples problèmes. Nous sommes tous concernés par ces messages, nous devons donc agir.

KENYA

Le pape y a invité les autorités politiques et toute la population à lutter contre la corruption qu’il considère comme « Un Chemin de mort (...) Un sucre doux et facile à prendre mais qui provoque le diabète. » Toute personne qui pratique la corruption « détruit son cœur, sa personnalité, et sa patrie. » La corruption a des conséquences sur toute une Société.
J’apprécie le message du pape sur la corruption parce qu’il rejoint l’essentiel de mon travail de fin de cycle de Philosophie : « Pour combattre la corruption. »  J’ai justement invité tout le monde à faire preuve de maturité éthique, en agissant de manière éthique. Il faut agir de manière éthique pour ne pas détruire son cœur, sa personnalité et sa patrie ; c’est-à-dire résister aux appétits égoïstes résultant des passions désordonnées.
Je remercie le pape pour avoir éveillé la conscience de toute l’Afrique et j’invite tout le monde à faire sien ce message. Qu’on soit Évêque, Iman, prêtre, religieux et religieuse, pasteur, simple chrétien et chrétienne, musulman et musulmane, etc., nous avons tous le devoir de combattre la corruption. Ce qui exige que nous puissions d’abord nous-mêmes résister à cette pratique illicite. L’expérience et l’existence de cette pratique dans nos sociétés prouvent que personne n’est exclu.

Oui,  il s’agit du sucre doux et facile à prendre mais qui a des conséquences sur la vie de tout un peuple. Souvent nous parlons de la corruption comme si elle était un être qui existe par soi-même, en oubliant que c’est vous et moi qui en sommes auteurs. Ne combattons pas la corruption par de beaux discours qui nous épargnent nous-mêmes. Soyons vrais envers nous-mêmes en nous posant la question : A quel niveau, moi…, dois-je combattre ma corruption pour le bien de ma Nation, de mon Eglise, de nos institutions, etc. C’est seulement après avoir répondu honnêtement à cette question que nous pourrons interpeller la classe politique.

Toujours au Kenya, le pape fait remarquer cet écart entre les riches et les pauvres. La richesse kényane est retenue par une classe donnée alors que d’autres sont très pauvres. Ainsi le message du pape devient une grande interpellation à  ceux et celles qui ne pensent qu’à eux-mêmes alors qu’autour d’eux d’autres n’arrivent pas à trouver le minimum pour survivre. Si le pape ne pouvait pas citer les noms des ceux et celles qui sont clairement concernés, il est toutefois connu  que la « famille » ou la tribu à laquelle appartient l’actuel président est bien celle qui est extrêmement riche car toutes les ressources du Pays sont sous leur responsabilité, oubliant les autres fils et filles du Pays qui ont aussi le droit d’en profiter.  Il faut donc penser à une justice distributive car les richesses du Pays ne doivent pas appartenir à une seule catégorie des personnes. De cette manière le pape a lancé un cri en faveur des abandonnés en invitant tout le monde à s’engager activement en faveur des démunis.

Ce n’est pas seulement au Kenya que le cri du pauvre n’est pas entendu.  Il y a bien d’autres pays africains où les richesses sont accaparées par une classe donnée. En RDC ce sont ceux et celles qui sont au pouvoir qui mangent  aisément la part de tout le peuple. C’est pourquoi tout le monde se bat pour être politicien afin de prendre aussi sa part. J’invite tout le monde à prendre son courage en main pour agir en faveur du pauvre malgré des conséquences inéluctables.

Ecouter le cri du pauvre, c’est écouter la voix de Dieu ; agir en faveur du pauvre c’est répondre à une invitation lancée par Dieu. Si donc répondre à cette invitation est quelque chose qui donne sens à notre vie, agissons ; n’ayons pas peur !

Le pape a aussi invité tout le peuple kenyan à la paix et à la réconciliation. On se rappelle des tensions qui avaient causé la mort de plusieurs kenyans en 2008, le message du pape a comme objectif la guérison des cœurs blessés pour que la paix règne. J’espère personnellement que l’arrivée du pape au Kenya puisse vraiment avoir un impact sur certains défis. C’est cela pour moi l’essentiel de sa visite. Nous sommes donc tous interpellés car l’oublie des abandonnés, l’injustice, la paix, etc. sont bien des défis que nous expérimentons partout en Afrique. Agissons donc en faveur du pauvre ; prônons la réconciliation et la paix.

OUGANDA

En Ouganda où je me trouve actuellement, le pape y a  adressé des messages importants en s’adressant aux jeunes, aux enseignants, aux membres du clergé, aux autorités politiques, et  à tout le peuple ougandais. Il a par exemple invité les jeunes à s’ouvrir  et à revenir à Jésus Christ. Il s’agit en quelque sorte d’une reconversion. Le message est facile à comprendre car les réalités du monde actuel font que les jeunes ne se retrouvent plus. Ils sont nombreux comme chrétiens et chrétiennes catholiques, mais en réalité leur vie ne se fonde plus sur le modèle de vie de Jésus Christ. Il est devenu très difficile de reconnaître, par les actes, qui est jeune chrétien et qui ne l’est plus. Par la pratique de piété on peut encore reconnaître un jeune chrétien, mais les actes ne suivent pas. Le pape, en demandant aux jeunes de s’ouvrir et revenir à Jésus Christ,  a  l’espoir de voir les jeunes africains revenir vraiment à Jésus, à fonder leur vie sur le modèle de Jésus ; donc à ne pas se laisser emporter par les réalités négatives du monde actuel. 

Le pape déplore « que les jeunes soient exploités par l’esclavage actuel de trafic d’êtres humains ». Oui, la jeunesse est en danger, et le message du pape devient une invitation lancée à tous les jeunes pour bien orienter leur vie. Les jeunes sont aujourd’hui activement impliqués dans les maux qui ruinent le monde en général et l’Afrique en particulier. On peut donc espérer que ce message puisse avoir un impact positif sur le comportement des jeunes qui d’ailleurs étaient très nombreux à l’écouter. Comme au Kenya, il les a invités à l’unité, à la réconciliation et à la paix. Certes, à Kampala les messages ont été adressés aux jeunes ougandais venus de différents diocèses et certains pays voisins. En fait, le pape s’adresse à tous les jeunes africains dans la mesure où tous sont concernés par les antivaleurs véhiculées dans le monde globalisé. Il est dès lors important que nous puissions en tirer profit et avoir le courage de nous ouvrir aux autres jeunes pour leur transmettre le contenu de ces messages.

Le pape dit : Si l’Eglise en Ouganda veut convaincre la vie publique par ses recommandations, qu’elle soit elle-même crédible. Les Evêques, les prêtres, les religieux, les religieuses et tous les fidèles laïcs de l’Ouganda ont à faire passer le message du Christ par une vie modèle, une vie de témoignage. Car ce dernier convertit plus que les paroles. Ce message nous est adressé avec comme questions essentielles : en tant que Chrétien(ne), notre vie est-elle crédible ? Notre vie est-elle témoignage ? Notre vie peut-elle convertir ? La réponse est personnelle. La crédibilité est une attitude toujours recommandable quel que soit le rang qu’on occupe dans l’Église et dans la Société. En effet ce n’est pas le rang que nous occupons qui nous rend crédible ; ce n’est pas parce qu’on est tel qu’on devient automatiquement crédible ; c’est plutôt la correspondance entre les paroles de quelqu’un et ses actes qui prouvent que telle personne est crédible.

Le pape François a aussi invité les autorités politiques ougandaises à faire preuve de bonne gouvernance en assurant une juste distribution des biens ainsi qu’une large participation à la vie nationale.

La question de la bonne gouvernance et de transparence pose toujours problème dans plusieurs pays africains. Nous avons, souvent, des gouvernements qui ne prennent pas en compte l’intérêt de tout le peuple dans l’utilisation des ressources des pays. J’espère donc que le pape a pu éveiller la conscience des concernés, même si ce n’est pas la première fois qu’ils sont interpellés. C’est d’ailleurs le même message qui semble revenir dans son homélie prononcée à Namugongo lors de la célébration eucharistique. Il a bien insisté sur l’honnêteté, l’intégrité et l’authentique préoccupation pour le bien des autres.
Comme son souci envers les pauvres est toujours au cœur de ses enseignements, le pape demande aux paroisses de l’Afrique de ne pas fermer les portes et les oreilles aux cris des pauvres. Je pose ces questions : - avons-nous des pauvres qui crient autour de nous ? - Entendons-nous ces cris ? - Si nous entendons, quelle est notre action ? - Les pauvres crient partout en Afrique. Peut-être que nous avons une réponse à donner à ces cris !



CENTRE-AFRIQUE

Une visite dite risquée mais qui s’est montrée fructueuse.

Pour moi, la visite la plus importante du pape François était celle de la Centre-Afrique. Pourquoi ? La raison est simple : le peuple centrafricain vit en tensions, en conflits qui ont déjà fait plusieurs victimes. Quelques semaines  avant son arrivée, la situation était plus que chaotique. Pour cette raison, le pape était conseillé de ne pas s’y rendre parce que, disait son entourage, il y avait un risque. Mais malgré toutes les raisons avancées par les Cardinaux qui sont autour de lui pour l’empêcher de s’y rendre, il a décidé d’y aller.

Pour moi il fallait ce genre de décision. Accepter d’aller là où l’autre est en train de souffrir c’est un grand signe de compassion. En effet le pape était conscient des risques lors de cette visite. Il savait bien que le pays est déchiré. Mais cela ne l’avait pas découragé car à côté de ces risques, il avait aussi de grands messages de compassion, de réconciliation, de pardon, d’espérance et de paix à adresser à tout le peuple. Et c’est justement ce qu’il a fait.
En visitant le camp des refugiés, le pape a sans aucun doute manifesté son attitude de compassion. N’ayant pas eu lui-même peur de s’y rendre, le pape a adressé un grand message : Résister à la peur de l’autre. Oui, ce message n’est pas facile, surtout dans une situation comme celle du peuple centrafricain.  Comment n’est pas craindre l’autre alors que le danger est là, l’expérience douloureuse est là. Oui, comme je me rappelle toujours ces propos d’un jeune Rwandais vivant à Paris après le génocide et s’exprimant via Jeune Afrique en ces termes: ‘’Depuis l’expérience du génocide, depuis que des personnes que je considérais comme amies et proches ont été les premières à tuer tous les membres de ma famille en ma présence, j’ai désormais une devise : l’autre est toujours une surprise, je dois me préparer en conséquence’’. Paroles fortes mais… contradictoires avec le message du pape ? Le pape donne-t-il un enseignement à ce jeune rwandais ? Le pape cherche à réconcilier afin d’unir. Voilà pourquoi il y a la nécessité du pardon, de la miséricorde. Certes, les blessures sont là, mais on doit les guérir, malgré les difficultés pour aboutir à cette guérison.

L’autre, dit le pape, est une personne comme moi, je ne dois pas le craindre. C’est en considérant l’autre comme moi-même que je n’aurai pas peur de lui. Mais si l’autre représente un danger, c’est sûr que je vais le craindre et même lui faire la guerre, l’éliminer parce que j’ai peur de Lui. Qu’on soit musulman, qu’on soit chrétien, on est d’abord et avant tout  frères et sœurs ; chrétiens et musulmans, a souligné le pape, sont tous des frères et sœurs, ils ne doivent donc pas se faire la guerre. En effet, résister à la peur de l’autre m’invite à me réconcilier avec lui, à vivre en harmonie avec lui pour qu’on soit en paix.
Voilà donc une visite risquée mais qui valait vraiment la peine. Si le pape avait décidé de ne plus se rendre en Centre-Afrique, le peuple centre-africain et moi-même serions très déçus ! Quel enseignement tiré de ce grand souci du pape envers les souffrants ? - Il y a des personnes qui peinent tout près de nous, mais nous avons peur de les approcher! Certains me diront mais, le pape était sous haute sécurité de la MINUSCA ; mais oui, la MINUSCA est présente dans le Pays depuis longtemps et les violences continuent. Le pape invite enfin le peuple centre-africain a plus de tolérance, d’amour et  de pardon. Voilà un message qui garde son importance pour toute l’Afrique. Il n’y a pas que la Centre-Afrique qui vit en conflits. Je peux citer le Burundi et la RDC. Cela nous invite à s’engager pour la justice, la paix et la réconciliation.

En définitive, que nous soyons en Afrique ou en dehors de l’Afrique, j’espère que nous allons répondre aux différentes invitations que j’ai lancées dans ces quelques lignes. Le pape, dans ses trois voyages, a insisté sur la paix, la réconciliation et l’unité. Il s’agit d’un bref retour sur les messages du pape François au cours de son premier voyage en Afrique. Je n’ai fait que des commentaires sur les messages qui m’ont davantage frappé. L’Afrique continue à faire face à plusieurs problèmes, entre autres ceux abordés dans cette réflexion et j’en suis préoccupé au point de demander l’intervention de tous les jeunes africains et africaines. Pour rappel, ne fermez pas vos portes et vos oreilles aux cris de ceux et celles qui peinent ; vous êtes capables d’agir.

Texte écrit par Espérant Mwishamali Lukobo, jeune chrétien africain, Originaire de la RDC, actuellement en Ouganda.  emwishamali@gmail.com